Son parcours en déportation

Arrêté par les Allemands dans le Calvados, emmené à la prison de Caen, puis transféré au camp de Compiègne, Paul LE CAËR, aujourd’hui âgé de 87 ans, a été déporté au camp de concentration de Mauthausen, en Autriche, à quelques kilomètres de Linz. Il a reçu le matricule 27 008. Puis il sera transféré au camp de Wiener Neustadt et enfin à celui de Redl Zipf, où étaient mis au point les moteurs des fusées V2.

Voici son témoignage sur la quarantaine subie en arrivant à Mauthausen :

«En 1941, il n’y avait pas de mur ici, les enceintes avec des murs n’ont été construites qu’en 1944. Cet endroit qu’on appelle le camp de quarantaine a été créé avant l’infirmerie du camp, il y avait cinq baraques. C’était l’infirmerie, les blocks 16, 17, 18, 19, et 20. Le block 20, le plus mauvais block où j’ai vécu, était le bloc des « chiasseux », c’est devenu le block de quarantaine en 1944.

Dans le block 16, on a fait des essais de nourriture à base de cellulose. Notre ami Jean Laffitte est resté un an en quarantaine ici, en se nourrissant de cette saloperie mais on ne l’empêchait pas d’aller travailler à la carrière… ceux qui mangeaient cette mixture à base de cellulose, devenaient gonflés et atoniques. De ces trois cents qui ont subi ce régime, il y a aujourd’hui quatre survivants.

Je vous rappelle que nous étions habillés d’une chemise d’un caleçon, avec des « babouches » en bois. Nous restions en équilibre pendant les appels sur ces pierres tranchantes… la turpitude des nazis pour nous déshumaniser était sans limite… il n’était pas question de se laver… devant la dégénérescence des individus, chacun est vite tombé dans l’égoïsme… on a perdu la personnalité humaine, nous n’étions plus que des « mauvais numéros »… les mauvais numéros c’étaient les personnes âgées, elles qui avaient connu la vie, la famille… ils n’écoutaient même plus les conseils… nous les jeunes, c’était plus facile, on n’avait personne derrière… Les jeunes raflés à la sortie du cinéma, les jeunes de Nancy, de Villeurbanne que j’ai connus, n’avaient pas de motivation non plus… Ils ne comprenaient pas… les résistants comprenaient mieux… Ils savaient pourquoi ils étaient là… Cette différence psychologique a joué sur le physiologique… nous avons vécu comme des bêtes…

Dans ces baraques, il y avait un coin pour les toilettes, le lavabo, ensuite un grand espace réservé à ces seigneurs kapos allemands et chefs de block et on mettait huit cents bonshommes entassés comme des sardines tête bêche. J’avais souvent des grands pieds de Russe dans ma bouche… Quand on se levait pour aller faire pipi, on ne retrouvait pas sa place…

Ici on a essayé de conserver un peu de culture, de faire trois ou quatre conférences : On a eu une conférence d’un journaliste de France-Soir sur Cayenne, c’est risible… sa conclusion a été : Cayenne était beaucoup mieux qu’ici… il m’a dit qu’il était en camp de concentration parce que Goering voulait ses trophées de chasse qu’il avait rapportés de ses voyages, je n’ai jamais vérifié si c’était vrai…

Ici nous allons devenir des numéros, c’est tout…

Pour survivre, il fallait observer…

En hiver, on faisait « la boule », on s’enroulait et celui qui était au milieu sortait, c’était le mouvement perpétuel…
Derrière le block 20, il y avait la butte des fusillés, on entendait le bruit des balles, on voyait la charrette passer avec les corps ensanglantés, en direction du four crématoire.

En 1944, on a construit ce mur de 2m 50, avec un mirador ici, un autre ici, un autre entre le block 19 et 20.
Un jour, on amène mille Russes, des soldats non immatriculés, destinés à mourir d’une balle dans la tête, des détenus K (Kügel en allemand). Cinq cents étaient déjà grabataires.

Le 20 janvier 1945, les officiers russes décident de s’échapper. Ils avaient un plan de bataille : le 2 février, à 0h50 du matin, moins 5 degrés, 10 cm de neige, ils attaquent le mirador, là, ils balancent des couvertures mouillées pour faire sauter les barbelés électrifiés ; avec l’extincteur et des cailloux, ils réussissent à prendre les mitrailleuses et ils sont maîtres du coin… ils partent à trois cents, trois cent cinquante… aussitôt la sirène dans tous les alentours est déclenchée… c’est la chasse à l’homme, la chasse « aux lièvres »… Les paysans avec les chiens, les gendarmes, les jeunesses hitlériennes, les réservistes, etc. cherchent jour et nuit… Les prisonniers repris ont tous été exécutés… Il y a eu deux survivants sauvés par une Autrichienne qui les a cachés jusqu’à la fin de la guerre… un petit bonhomme, un commandant aviateur, parti en direction du nord vers les maquis tchèques a survécu en mangeant des racines ; dans son évasion, il a tué un soldat de la Wermacht, s’est habillé avec l’uniforme et a vivoté de rapines ; il est fait prisonnier des Américains, il est resté trois ans prisonnier car il n’a pas osé dire qu’il était Russe, il n’a rien dit. Mais ses camarades qui ont appris son histoire, on ne sait comment, ont décidé de le rapatrier chez lui avec les honneurs… c’est la seule personne que j’ai revue…».

 


Paul, un Français Libre :

http://www.francaislibres.net/liste/fiche.php?index=78926

 

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  • sendra monique

    août 15th, 2012

    Répondre

    Bonjour.Je suis en recherche de renseignements sur une personne qui est decedee au camp deMauthausen. Elle a ete arretee a Villeurbanne le 1 Mars 1944 au cours d’une rafle et est restee jusqu’au 20 avril a compiègne .Il s’agit de Mr ROESCHLIN ALBERT né le 26/12/1919.Il est parti de Compiègne le 16 avril 1943 operation Meerschaum.Avez quelques renseignements .Je vous remercie par avance .Sinceres salutations

    • Hania Allen

      juillet 25th, 2014

      Répondre

      Pardon en avance pour mon pauvre français. Avez-vous contacté le ITS a Bad Arolsen? Ils tienent les information sur des deportés aux camps. Ils m’ont aidé avec mes mêmes recherches. Mon oncle est aussi parti de Compiègne operation Meerschaum. Je vous souhaite de bon courage. Hania Allen

    • GUILLOT

      juillet 12th, 2017

      Répondre

      bonjour je voudrais savoir s’il est mon arriere grand pere maternel pere de frida Roeschlin et de yvonne de komornicka de cornimont vosges entre autre merci d avance; sinceres salutations

      • Lolo

        septembre 10th, 2021

        Bonsoir,
        Effectuant des recherches sur Yvonne de Komornicka (Emilie Marie Thérèse Yvonne), née Roeschlin à Saulxures/Moselotte le 13 juillet 1898 et décédée le 31 octobre 1994, j’ai retrouvé l’endroit où reposent Marie-Florentine Creusot (maman décédée en 1961) et Alphonse Roeschlin (papa décédé en 1962).
        Moi, je suis à la recherche de l’histoire d’Yvonne de Komornicka dans les Vosges, une très grande Dame que je souhaiterais voir réhabilitée et surtout reconnue pour tout ce qu’elle a défendu dans sa région. Méconnue dans notre secteur, ou presque, je ne veux pas qu’elle tombe dans l’oubli…

      • emmanuel gravier

        janvier 2nd, 2022

        Bonjour
        Je suis de Cornimont et nous effectuons des recherches sur Yvonne de Komornicka.
        Contactez moi Svp

      • emmanuel gravier

        janvier 3rd, 2022

        Bonjour
        Je suis egalement à la recherche de documents et de renseignements sur Yvonne de Komornicka.
        J’habite à coté de Cornimont .
        D’avance , merci
        Cordialement

      • Lolo

        mars 30th, 2022

        Bonsoir… les parents d’Yvonne Roeschlin sont Alphonse né à Dornach (Mulhouse) le 17 janvier 1875 et décédé en 1962 – Marie-Florentine Creusot née à Saulxures/Moselotte le 21 octobre 1876 et décédée en 1961 – Mariés le 18 octobre 1897 à Saulxures/Moselotte (88), ils reposent tous 2 à Cornimont (88)

      • Lolo

        janvier 17th, 2024

        Bonjour Monsieur, Madame Guillot.., Albert Roeschlin qui est décédé le 1er janvier 1944 en déportation en Autriche est né le 26 déc 1929 à Mulhouse. Journal Officiel 2013 p 20187-20190.

      • Lolo

        janvier 17th, 2024

        Article relevé dans Limédiakiosque « Mariage en avril 1924 de Faustin-Emile Guillot (Salins Jura), gendarme à cheval avec Jeanne Frida Roeschlin (née le 30 janvier 1900 à Saulxures/Moselotte 88 et soeur d’Yvonne Emilie Roeschlin ép De Komornicka) ».
        Le père d’Yvonne Emilie et de Jeanne Frida est Alphonse Roeschlin né le 17 janvier 1875 à Dornach,
        Probablement pour échapper au service militaire allemand, il a opté pour la France vers 1895. avec déclaration souscrite le 1er oct 1908 dans le Bulletin des Lois.

  • emmanuel gravier

    janvier 2nd, 2022

    Répondre

    Pour les recherches sur Yvonne de Komornicka , je suis interressé , habitant dans les environs de Saulxures /Moselotte et m ‘interressant à la Résistance dans ma région.
    Merci de me contacter

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